Quarante ans de soccer au Stade olympique de Montréal

Olympic Stadium - CCL Final - Wide shot

Ce mardi, Montréal affrontera Toronto non pas dans son stade Saputo, mais bien au Stade olympique voisin. Ce n’est pas une première, puisque c’est dans cette enceinte que le club joue ses premières rencontres à domicile chaque saison depuis son entrée en MLS. Le soccer y a déjà vécu de grands évènements, des duels à enjeu et quelques heures de gloire. Certaines sont lointaines, d’autres fraîches dans nos mémoires.


UN STADE POUR LES JEUX OLYMPIQUES

Comme son nom l’indique, le Stade olympique a Ă©tĂ© construit pour les Jeux de 1976 Ă  MontrĂ©al. Cette annĂ©e-lĂ , moins de 27 000 joueurs sont affiliĂ©s au QuĂ©bec (contre environ 200 000 de nos jours) et le ballon rond n’enthousiasme pas tous les organisateurs locaux. Mais pour qu’il y ait autre chose que de l’athlĂ©tisme et de l’équitation dans le stade flambant-neuf, on se dit qu’une dizaine de matchs de soccer ne pourrait pas nuire. Avec raison, puisque la moyenne de 44 250 spectateurs Ă  MontrĂ©al (il y eut des rencontres dans d’autres villes) contribue Ă  en faire le deuxième sport le plus couru de l’olympiade, derrière l’athlĂ©tisme.


Neuf ans après l’exposition universelle ’67, la diversitĂ© est de nouveau Ă  l’honneur, tant les Ă©quipes qui obtiennent de bons rĂ©sultats y parviennent avec des mentalitĂ©s diffĂ©rentes. Notons par exemple le BrĂ©sil roi de la dĂ©contraction, l’Allemagne de l’Est Ă  la discipline de fer, ou la Pologne dont certains joueurs sont aussi rĂ©putĂ©s pour leur descente d’alcool que leurs qualitĂ©s balle au pied. Ce qui n’empĂªche pas les Polonais d’atteindre la finale, oĂ¹ ils sont battus 3-1 par la RDA devant 71 617 spectateurs, affluence record pour un match de soccer au Canada qui tient toujours. Les MontrĂ©alais ont vu de leurs yeux Oleg Blokhine, Grzegorz Lato, Michel Platini, Hugo Sanchez ou encore Jan Tomaszewski, futures vedettes mondiales.


MANIC, POULETS, LAPIN

Ce succès a Ă©videmment donnĂ© des envies. Après quelques matchs amicaux au succès mitigĂ©, le soccer effectue son grand retour au Stade olympique en 1981 après le rachat de la franchise de Philadelphie en NASL, qui dĂ©mĂ©nage Ă  MontrĂ©al et devient le Manic. Premier match… contre Toronto, devant 27 000 personnes. MontrĂ©al gagne 2-1 et entame une saison aux conditions favorables, de la mĂ©tĂ©o Ă  la curiositĂ© mĂ©diatique en passant par une ambiance inconnue Ă  MontrĂ©al. Les joueurs sont aimĂ©s et les rĂ©sultats sont bons. De quoi attirer 58 542 spectateurs contre Chicago en quart de finale, dans un stade dont le toit ne recouvre alors que les tribunes.


Celles-ci sont particulièrement animĂ©es aux alentours du bloc 212, oĂ¹ les Ultras 212 s’inspirent de ce que certains d’entre eux ont connu en Italie, d’oĂ¹ ils sont originaires. Outre les traditionnels fumigènes, ils ont aussi des idĂ©es saugrenues, comme amener des poulets… ou faire courir un lapin sur le terrain lors de la venue de New York oĂ¹ Ă©volue Giorgio Chinaglia, surnommĂ© le lapin en Italie.


Après deux premières annĂ©es encourageantes, dans les bureaux, on multiplie les mauvaises dĂ©cisions : volontĂ© de faire du Manic un club composĂ© des joueurs de l’équipe nationale du Canada, promotion d’une ambiance artificielle qui repousse le public prĂ©sent et n’attire pas les nouveaux fans escomptĂ©s, budget revu Ă  la baisse, choix sportifs douteux. Fin 1983, le propriĂ©taire dĂ©cide de mettre fin Ă  l’aventure. Un an plus tard, c’est la fin de la NASL.


– LES GRANDES HEURES DE LA RIVALITÉ MONTRÉAL - TORONTO –
LA RENAISSANCE EN 2007

Il faudra attendre 2007 pour que le soccer vive à nouveau au Stade olympique. Défiguré par rapport à ses débuts par l’ablation d’une tribune et des péripéties de toits, celui-ci a entre-temps vibré au rythme du base-ball. On redécouvre qu’on peut y pratiquer le sport le plus populaire de la planète quand le Canada obtient l’organisation de la Coupe du monde des ­‑20 ans 2007. Malgré un changement de pelouse de dernière minute à grands frais et une absence totale de publicité dans la ville, 40 000 spectateurs de moyenne se déplacent à Montréal et permettent à la compétition de battre des records d’affluence.


Le public est très colorĂ©, avec, entre autres, de nombreux supporters polonais, sud-corĂ©ens, chiliens ou encore brĂ©siliens venus de loin pour encourager leur Ă©quipe. Offrant Ă  l’époque le niveau de jeu le plus Ă©levĂ© jamais vu dans la province, la compĂ©tition voit s’illustrer un certain Jozy Altidore, mais aussi Gary Medel ou encore Giovani Dos Santos. Encore plus que le soccer, le Stade olympique sort grand gagnant : honni pour la dette (d’argent sale) de sa construction et considĂ©rĂ© comme un bloc de bĂ©ton dans lequel on ne voulait plus s’enfermer (surtout lors des beaux jours), il recommence Ă  susciter de l’intĂ©rĂªt.


L’HISTOIRE S’ÉCRIT EN LIGUE DES CHAMPIONS

Alors qu’on se demandait combien de temps il faudrait attendre le prochain Ă©pisode marquant des aventures du soccer au Stade olympique, une rĂ©volution transforme le paysage footballistique nord-amĂ©ricain : la Ligue des champions. Elle est d’autant plus importante pour le Canada que jusque-lĂ , ses clubs ne montaient pas sur la scène internationale. Après avoir remportĂ© l’éphĂ©mère championnat du Canada au dĂ©triment de Toronto, dĂ©jĂ  en MLS, MontrĂ©al, alors pensionnaire de D2, sort Ă  la surprise gĂ©nĂ©rale de son groupe en compagnie des Mexicains d’Altlante, Ă©liminant les Trinidadiens de Joe Public, mais aussi Olimpia, club du Honduras pourtant habituĂ© d’un niveau relevĂ©.


Le quart de finale aller, contre Santos Laguna, doit se jouer le 25 fĂ©vrier. S’il ne neige pas… car on craint que le toit ne tienne pas le coup, et les conditions pour disposer du stade sont alors plus strictes. La mĂ©tĂ©o est finalement accommodante. Un raz-de-marĂ©e de 56 000 personnes investit les lieux pour voir ses favoris, pris de haut par leur adversaire, ouvrir la marque après 5 minutes Ă  peine alors que Santiago, pressĂ© par Sebrango, marque contre son camp. En fin de rencontre, Sebrango offre une victoire 2-0 Ă  une Ă©quipe aussi dominĂ©e que rĂ©sistante et mĂ©ritante, provoquant le dĂ©lire total dans le stade. Je vous Ă©pargne les douleurs du match retour : on parle ici du Stade olympique, qui vivait une nouvelle soirĂ©e historique.


L’ÉPOPÉE MONUMENTALE DE 2015

Quand allait-on y revivre de telles Ă©motions ? Quand MontrĂ©al rĂ©ussirait-il Ă  nouveau Ă  se hisser en quart de finale de la Ligue des champions ? Six ans, très exactement six ans plus tard. Entre temps, les circonstances ont changĂ©, puisque le club a quittĂ© l’antichambre de l’élite pour militer en MLS (et joue au Stade olympique au dĂ©but de chaque saison). Reste qu’il doit faire face Ă  un nouvel adversaire mexicain toujours grandissime favori, Pachuca. Autre diffĂ©rence : le match retour a lieu Ă  MontrĂ©al. Premier exploit Ă  l’aller, avec un partage 2-2. Au retour, on peut davantage parler de miracle alors que les visiteurs doivent attendre 80 minutes pour concrĂ©tiser leur domination. La tension est toujours intense mais les Ă©motions ont changĂ©, l’équipe Ă©tant virtuellement Ă©liminĂ©e. Jusqu’à ce que dans les arrĂªts de jeu, Calum Mallace envoie un long ballon vers Cameron Porter, nĂ©o-professionnel, qui Ă©galise et fait exploser le stade de joie. 1-1, score final, avec la naissance d’une nouvelle expression Ă  MontrĂ©al : « LE but de Cameron Porter Â».


Le fabuleux parcours n’est pas terminĂ©, puisqu’après avoir Ă©liminĂ© Alajuelense, non sans mal, en demi-finale, MontrĂ©al bĂ©nĂ©ficie encore de l’avantage du terrain au match retour de la finale, et part Ă  nouveau en position favorable après un partage sur les terres du redoutable America Mexico. Après 8 minutes, Romero ouvre la marque. Le stade, oĂ¹ se sont massĂ©s plus de 61 000 spectateurs, est en liesse : jamais n’avait-on vu une telle ambiance lors d’un Ă©vènement sportif au QuĂ©bec, disent mĂªme quelques anciens ayant pourtant Ă©tĂ© sur place Ă  de grandes soirĂ©es de hockey. La ferveur baissera toutefois de plusieurs crans après la pause : peu menaçants en première mi-temps, les visiteurs trouvent la clef du verrou montrĂ©alais, qu’ils font sauter quatre fois. MalgrĂ© tout, l’Impact de MontrĂ©al et le soccer sortent Ă  nouveau gagnants et fiers de cette Ă©popĂ©e monumentale. En attendant le prochain Ă©pisode…