Tour du monde des voisins rivaux


Avec Portland - Seattle, Houston - Dallas et Chivas USA - LA Galaxy ce week-end, mais aussi États-Unis - Mexique ce mercredi soir (qui s’est soldé par un partage 2-2), les mots rivalités et derby reviennent souvent dans les discussions soccer cette semaine. C’est pourquoi Coup Franc vous propose un tour du monde des confrontations les plus importantes entre pays voisins. Après avoir traversé les Amériques, cette deuxième et dernière étape vous emmène par-delà les océans.


De l’autre côté de l’Atlantique, deux duels ont fait couler le plus d’encre. L’un d’entre eux est le plus ancien d’entre tous : Angleterre - Écosse. La première de leurs 112 confrontations a eu lieu le 30 novembre 1872 à Glasgow et s’est soldée par un nul 0-0. Il faut dire que jusqu’en 1989, les deux équipes s’affrontaient au moins une fois par an et que c’était toujours un bon prétexte à exacerber la rivalité historique entre ces deux parties de la Grande-Bretagne. Le bilan est relativement équilibré (46 victoires anglaises, 41 écossaises, 25 partages). Quelques duels marquants : la victoire 9-3 de l’Angleterre en 1961, la victoire 2-3 des Écossais à Wembley en 1967 sur le terrain des champions du monde en titre qui n’avaient plus perdu depuis 19 rencontres ou encore la victoire 2-0 des Anglais lors de leur Euro en 1996. Pour en savoir plus sur ce derby, regardez la vidéo ci-dessus (en anglais).


La Belgique et les Pays-Bas se sont affrontés encore davantage : 123 fois, à partir de 1905. En 1910, le Néerlandais Arnold Hörburger se blesse sérieusement en première mi-temps et court comme un lapin en deuxième : les Belges soupçonnent son jumeau Anton de l’avoir remplacé à la pause (les changements n’étaient pas permis à l’époque). La défaite néerlandaise 7-6 en 1951 inspire à Jan de Cler « Hup Holland Hup », dont le refrain est devenu aujourd’hui la chanson traditionnelle des Oranje. En fait, De Cler travaillait pour la radio néerlandaise, qui diffusait les rencontres de l’équipe nationale, et à l’issue de chaque mi-temps, il les racontait de manière lyrique. Ensuite, avec des chœurs, il entonnait la chanson (vous pouvez même écouter ça ici dans ce document d’époque).


Depuis le milieu des années 1970, le Derby des plats pays est marqué par de chaudes luttes lors de matchs officiels. Ainsi, en 1973, un but belge à la dernière minute est annulé pour un hors-jeu tout sauf évident, ce qui permet aux Bataves de se qualifier pour la Coupe du monde 1974 (dont ils termineront deuxièmes). Les supporters de Portland se souviennent peut-être du Néerlandais Robbie Rensenbrink, qui jouait à Anderlecht lorsqu’il a marqué trois buts lors d’une victoire 5-0 des siens en 1975. Les Diables rouges se vengeront par la suite, en écartant leurs voisins de la Coupe du monde 1982, mais surtout de l’édition 1986 suite à un test-match (équivalent des barrages d’aujourd’hui) et seront demi-finalistes du Mundial mexicain. Les deux pays se sont affrontés deux fois en phase finale de Coupe du monde : un partage 0-0 en France en 1998, et une victoire belge 1-0 à Orlando en 1994.


Néanmoins, les deux pays européens qui ont le plus souvent joué l’un contre l’autre sont l’Autriche et la Hongrie : 136 face-à-face officiels sont recensés. Les deux pays étaient deux puissances du soccer avant la Seconde guerre mondiale et se sont régulièrement rencontrés jusque dans les années 1960, mais leurs duels ont diminué autant que leur lustre par la suite, ce qui donne moins de piment à cette rivalité aujourd’hui. Notons aussi que la Suède a joué 103 fois contre la Norvège et 101 contre le Danemark. Des chiffres qui dépassent de loin les 72 France - Belgique, les 57 Suisse - Italie, les 50 Allemagne - Suisse et les 35 Espagne - Portugal.


Les deux puissances actuelles du soccer asiatique, la Corée du Sud et le Japon, ont un important contentieux historique. Et pour cause : la première a été annexée par le second entre le début du XXe siècle et la fin de la Seconde guerre mondiale, avec peu d’égards pour ses habitants et leur culture ainsi qu’une forte répression. C’est donc dans un contexte d’extrême tension qu’a lieu leur première rencontre sur un terrain de soccer en 1954. Le président coréen ne voulant pas voir de Japonais sur son territoire, il demande à ses joueurs de disputer les deux duels prévus sur le terrain ennemi… et prévient qu’il les jettera à l’eau s’ils ne reviennent pas en vainqueurs. Ils échappent à la noyade avec une victoire et un partage. Il faut attendre 1960 pour voir les deux pays s’affronter à Séoul. C’est aussi une des rares périodes où le Japon rivalise avec son adversaire avant l’émergence de la J-League, créée en 1993. Le bilan actuel de ce match baptisé Haniljeon est de 34 victoires coréennes, 12 japonaises et 20 nuls. Les tensions se sont amenuisées, comme en témoigne l’organisation commune de la Coupe du monde 2002… marquée par une rivalité telle que même les pontes de la Fifa reconnaissaient le manque de collaboration entre les comités organisateurs des deux pays ! La rancœur est tenace et il a fallu attendre le début du siècle pour que la culture japonaise ait à nouveau droit de cité en Corée du Sud.


En Océanie, il y a une rivalité entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais vu qu’aucun des deux n’a jamais été dominant avec un ballon rond au pied, elle se dessine surtout autour du sport majeur disputé avec un ballon ovale, le rugby, où les deux nations font partie du top mondial. Quelques chiffres tout de même : les deux pays se sont affrontés à 63 reprises depuis 1922, avec à la clef 38 victoires australiennes, 13 néo-zélandaises et 11 nuls.


Étonnamment, en Afrique, on ne retrouve pas d’affrontement entre pays de soccer voisins qui ont eu lieu 50 fois au plus. C’est en partie dû au fait que la décolonisation n’a eu lieu que lors de la deuxième moitié du XXe siècle, mais pas seulement. C’est cependant là et dans ce contexte qu’on retrouve une histoire de solidarité entre nations qui partagent une frontière. En 1958, luttant pour son indépendance, l’Algérie (alors française) monte une équipe composée d’excellents joueurs, dont certains sont sous contrat dans de grands clubs français. L’équipe n’est (évidemment) pas reconnue par la Fifa et les autres pays hésitent à l’affronter de peur d’un incident diplomatique avec la France. La Tunisie, prônant la solidarité panarabe, lui offre d’être son port d’attache et est son premier adversaire en match amical. L’équipe du FLN (Front de libération nationale) devient un symbole et, durant quatre ans, effectue des tournées en Europe de l’Est et en Asie. Durant tout ce temps, les joueurs sont suspendus par leur club, mais ils peuvent y retourner en 1962 et y sont bien accueillis. Depuis l’indépendance, Algérie et Tunisie ont joué l’une contre l’autre une quarantaine de fois.


Le duel le plus fréquent entre nations africaines ayant un beau palmarès oppose deux anciennes colonies anglaises, le Nigeria et le Ghana, qui se sont affrontés à une cinquantaine de reprises. L’anecdote la plus folklorique remonte à 1958, quand la femme d’un dirigeant ghanéen est montée sur le terrain pour gifler l’arbitre, provoquant une interruption du match pendant 20 minutes. Sur la scène continentale, le Ghana domine son rival mais doit attendre 2006 pour se qualifier pour la Coupe du monde, à laquelle le Nigeria a participé dès 1994 et plus souvent. Rarement l’un des deux peut savourer longtemps une victoire sur son rival, qui prend généralement sa revanche assez rapidement.


Parmi les anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest, le Sénégal avait la réputation d’être le préféré de l’occupant en matière de culture et de sport. Après l’indépendance, il est donc devenu un rival naturel de ses voisins dans ces domaines. La Guinée est celui qu’il a affronté le plus souvent (40 fois) : le régime d’extrême gauche de celle-ci pousse son équipe à la victoire pour montrer la suprématie de son idéologie face au « suppôt de l’impérialisme ». L’esprit sportif domine toutefois, car il y a un grand respect pour le sport et les sportifs. La Côte d’Ivoire est l’autre rival historique du Sénégal, avec un contexte colonial identique mais politique différent. Là également, tout s’est toujours passé dans la fraternité. Mais quand l’équipe ivoirienne a commencé à rivaliser avec son adversaire, notamment en reportant la Coupe d’Afrique des nations 1992 à Dakar, tout un peuple a fêté cette sortie de l’ombre.