Perrinelle : « Le français s’impose sur le terrain »

Perrinelle : « Le français s’impose sur le terrain » -

Samedi dernier à Kansas City, Damien Perrinelle a fêté sa première titularisation en MLS. Arrivé à New York durant le dernier mercato estival, il avait certes commencé plusieurs duels de Ligue des champions en 2014 mais avait dû se contenter de miettes en championnat. Cette fois, l’aventure est lancée pour de bon.


Une aventure qui se passe en partie en français : en défense centrale, il a évolué aux côtés de son compatriote Ronald Zubar, qui a disputé une petite centaine de rencontres sous le maillot de Marseille. La langue de Molière leur est venue naturellement au moment de communiquer sur le terrain. « Les situations de jeu l’imposent, explique Perrinelle. Nous avons des codes dans la langue qui rendent ça plus simple, nous avons un même langage footballistique dans le jeu mais aussi dans les mots. Les décisions qui doivent se prendre le plus rapidement se prennent en français. Mais dans les moments plus collectifs, on parle anglais pour que tout le monde puisse comprendre. »


Au bord du terrain, leur entraîneur, Jesse Marsch, n’est pas complètement perdu. Les supporters de Montréal se souviennent de sa dernière entrevue télévisée, lors de laquelle il maniait plutôt bien le français. « Quand on le parle avec Ronald Zubar et Karl Ouimette, il tend l’oreille pour savoir s’il le comprend encore bien », s’amuse l’arrière né à Suresnes, en région parisienne.


Il faut dire que la venue de Marsch lui donne le sourire puisque depuis son arrivée, il a progressé dans la hiérarchie à son poste. Alors que sous Mike Petke, il se demandait parfois ce qu’il faisait là. « Nous étions cinq défenseurs centraux en tout ! Ce n’est pas simple, quand on est autant, de faire une rotation à ce poste. L’ancien entraîneur, qui avait pourtant validé mon transfert, avait déjà ses deux titulaires et son numéro trois : il allait plus difficilement faire confiance à quelqu’un arrivé en cours de saison alors que d’autres savaient davantage comment il voulait jouer. »


Cela n’a pas facilité sa tâche au moment de discuter de sa situation pour 2015. « En fin de saison, j’ai eu un entretien avec Andy Roxborough : il souhaiter me garder, mais pas lever l’option au tarif prévu par celle-ci. Je lui ai dit que j’étais d’accord de revoir mon salaire à la baisse et de faire mes preuves. Ma priorité était de rester en MLS, si possible à New York. »


Le changement d’entraîneur et les nombreux transferts lui permettent pour ainsi dire de repartir à zéro. « Je ne parlerai pas du passé, ça ne va pas apporter grand-chose. Jesse Marsch a une approche et une gestion du groupe différentes. Il est ouvert et il parle beaucoup avec les joueurs. Il y a eu beaucoup de mouvements dans l’effectif. C’est un nouveau projet dont je suis fier de faire partie. »


Quand on lui dit que ça lui a donné une demi-saison pour s’adapter à la MLS, Perrinelle répond que c’est un championnat taillé sur mesure pour lui. « Il y a beaucoup de rythme et beaucoup de duels. Ça ne me change pas beaucoup de ce que j’ai vécu lors de mon passage en Ligue 1 avec Boulogne, où on essayait d’imposer ça à l’adversaire… ce que j’aimais bien. En plus, en MLS, tout est fait pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions. Moi, j’étais le même il y a six mois. La seule différence, c’est le choix du coach. J’avais la même rigueur et la même envie aux entraînements. Je ne me suis pas transformé en six mois ! Surtout à 31 ans. »


Il a quand même profité de ces six mois pour côtoyer Thierry Henry au quotidien. « J’ai vu devant ma télévision son penalty en 1998 contre l’Italie. Seize ans plus tard, je partageais un vestiaire avec lui. Si vous me demandez le conseil que je retiens de lui, je ne pourrais pas n’en citer qu’un. Et puis, ce n’est pas quelqu’un qui a besoin d’en donner : il suffisait de regarder sa rigueur à l’entraînement ou de parler foot avec lui, et cela valait bien une séance complète ! »


Perrinelle a passé l’essentiel de sa carrière en D2 française (appelée Ligue 2), notamment à Clermont et à Boulogne. À ses yeux, les contrastes avec la MLS sont nombreux. « Ici, il n’y a aucune relâche aux entraînements, tout le monde se donne toujours à 10 000 %. En match, il n’y a pas un instant de répit. Impossible de se dire : “Je vais gérer tranquille.” Même fatigué, un adversaire va quand même tout donner jusqu’au bout. C’est la mentalité anglo-saxonne. Je suis aussi agréablement surpris par la qualité technique et la philosophie de jeu de certaines équipes. Columbus m’a entre autres fait très bonne impression l’an dernier. »


L’ambiance générale de la MLS le motive particulièrement. On pourrait presque dire qu’elle lui a rendu le plaisir de jouer. « Quand je joue, je m’éclate vraiment. Le professionnalisme autour de l’équipe et les infrastructures permettent de s’épanouir. Lors du premier match cette saison à Kansas City, on a vu du monde et de l’ambiance au stade. Ça donne envie de se donner à 100%. Il ne faut pas chercher une motivation tout au fond de soi-même, comme c’était devenu mon cas quand je jouais en Ligue 2 en France. »


Dans l’absolu, le salaire peut constituer le point négatif de la comparaison… si on ne s’intéresse qu’au montant déboursé par le club. « Avant impôts, financièrement, on est nettement perdant aux États-Unis, explique le défenseur central. Mais c’est compensé par le confort, les infrastructures, les conditions des déplacements. Et l’imposition est plus lourde en France. Donc, oui, on s’y retrouve même s’il y a des sacrifices à faire. J’ai moins gagné que si j’étais resté en France mais je joue dans des stades pleins, pour une équipe de renommée mondiale et je m’entraîne avec le sourire dans des infrastructures exceptionnelles. Ça compense largement ! »


Perrinelle aime vivre aux États-Unis, et il veut en ouvrir les portes à des jeunes grâce à son sport. « En France, je suis actionnaire du club du Touquet qui dispose d’excellentes infrastructures. Avec un ami, nous voulions monter un projet social pour les jeunes du Nord et leur permettre de découvrir l’université aux États-Unis grâce à des bourses d’études. Nous avons, avec l’aide de Jérôme Meary, mis sur pied un système de prospection où des entraîneurs viennent des États-Unis pour détecter des jeunes. L’an dernier, une vingtaine d’entre eux a pu bénéficier du système scolaire américain. » Le projet est avant tout académique : le soccer n’est pas une fin mais bien un moyen d’intégrer une université américaine. « L’objectif est de former des hommes au-delà du foot. Et s’il vient en plus par la suite, c’est tout bénéfice. » D’ailleurs, pour pouvoir traverser l’Atlantique, les jeunes doivent remplir des critères académiques et réussir un test standardisé d’anglais dans un contexte universitaire (connu sous le nom de Toefl).


Un esprit sain dans un corps sain… et esthétique : la version enrichie de cette célèbre formule convient à Perrinelle qui a troqué à quelques reprises les terrains de soccer pour les parades de mode. De quoi donner envie à Aurélien Collin de le débaucher ? « Mannequin, j’ai fait ça pour une fois ou deux pour rendre service à des amis, rigole le principal intéressé. Je connais Aurélien Collin depuis très longtemps, mais il ne m’a pas appelé pour ça. »


Pour le moment, sa carrière sur le terrain est sa préoccupation première. S’il ne fait pas le moindre doute que Perrinelle est très heureux de s’y retrouver, certains supporters ont pu grincer des dents quand ils ont vu qu’un joueur qui n’avait quasiment pas droit au chapitre l’an dernier était titulaire. « Dans beaucoup de clubs, des remplaçants se révèlent après un changement d’entraîneur. Je ne dis pas que ce sera facile et que tout est devenu rose pour moi ! Mais c’est le début du projet d’un nouveau staff, avec un nouvel entraîneur qui pose un regard neuf sur moi. Il a fait ses choix, tant à mon poste qu’aux autres, et ce qu’on a montré au premier match laisse penser qu’ils sont bons. »