Jean-Baptiste Pierazzi, le Corsy des Goonies

Sans jamais y avoir mis les pieds, beaucoup d’enfants se font une image idyllique des États-Unis et rêvent de s’y installer un jour. Lorsqu’il était en culottes courtes, Jean-Baptiste Pierazzi était l’un d’entre eux. Son vœu a été exaucé : l’ancien capitaine d’Ajaccio a quitté sa Corse natale cet hiver et défend aujourd’hui les couleurs de San José.


« Ce qui m’attirait aux États-Unis, c’était toute l’histoire du pays, le plus grand au monde, où beaucoup de choses avaient été inventées. Sur ma petite île, c’était la lune, inaccessible », raconte le médian défensif de 29 ans. Ça, c’était lors de son enfance. Il a grandi et, quand il l’a pu, a franchi l’Atlantique. En touriste, dans un premier temps. « Je suis souvent venu aux États-Unis en vacances, mais je ne pouvais pas en profiter tellement à cause de la langue. Alors, j’ai pris des cours d’anglais. Même si ça m’a servi lors de mon passage en MLS, je ne les avais pas pris spécifiquement pour ça », précise-t-il, démentant une légende urbaine à ce sujet.


Footballeur professionnel et passionné de son sport, il a tôt fait de s’intéresser à la MLS. D’abord de loin, mais la passion l’a vite gagné. « Comme j’appréciais énormément le pays, j’ai rapidement su qu’il y avait un championnat, mais je ne le regardais que d’assez loin au début. Je m’y suis beaucoup plus intéressé avec l’arrivée de Beckham, puis celle d’Henry. Je connaissais les équipes, les joueurs, etc. Et depuis trois ans, je le suivais même beaucoup plus que le championnat de France ! Chaque fois que je voyais des reportages, ça me plaisait : j’aime cette ambiance où les supporters d’équipes adverses peuvent être côte à côte. Et puis, la MLS grandit tellement vite, ça la rend d’autant plus attirante ! »


Tellement attirante que Pierazzi s’est dit que son métier pouvait lui permettre de concrétiser le désir qu’il nourrissait depuis son enfance. C’est ainsi qu’il a pu prendre la direction de San José. « Jérôme Meary, qui travaille pour la MLS, a appris qu’y jouer était mon rêve et ça nous a permis d’entrer en contact. Quand il a su que San José cherchait un milieu défensif, il m’a proposé. Dès lors, tout a été très vite. » Cependant, c’était en plein milieu du championnat de France et son club, Ajaccio, tentait de s’extirper de la dernière place. « Laisser l’équipe derrière moi a été le truc le plus dur, d’autant que j’en étais le capitaine. J’ai livré tellement de batailles avec elle… C’est quand même malheureux que les calendriers ne concordent pas. Cependant, c’était une chance unique de partir jouer en MLS. »


Le défi de la MLS était d’autant plus grand pour le joueur corse qu’il avait passé toute sa vie sur l’île de Beauté et toute sa carrière dans le même club. Soudainement, il s’apprêtait à changer complètement d’univers. « Ça m’a fait peur au début. J’étais toujours resté au même endroit, dans ma petite ville, sur ma petite île. Et là, je pars loin de tout le monde. Dans l’avion, j’étais néanmoins bien plus excité qu’apeuré. Je me disais “Vivement que j’arrive, que je découvre tout ça.” Maintenant, je suis heureux, malgré quelques coups durs. Les gens du club sont super, personne ne me laisse de côté, et c’est un support important. »


À San José, Pierazzi est arrivé dans un environnement qui lui convient. Cela vaut pour le club, mais aussi pour la vie en Californie. « Ça me plaît. Comme dans toutes les grandes villes, il y a toujours quelque chose à faire. Et puis, j’aime me promener alors je profite de la Californie, de ses parcs, de ses lacs. On peut y sortir tranquillement. À Ajaccio, j’étais relativement connu, c’était difficile d’avoir du temps libre. Ce qui me manque, c’est ma famille, mes amis, un endroit où je connaissais tout et tout le monde. »


Les Corses vous le diront : ils restent très attachés à leur île, dont ils sont particulièrement fiers. Alors, même s’il est sur le bord des plages du Pacifique, le Méditerranéen n’hésite pas à parler de son coin de pays. « La Corse est loin, c’est difficile de la faire découvrir. Mais quand je montre des photos, mes coéquipiers sont émerveillés et disent qu’ils aimeraient y aller en vacances. Ça me rend fier ! D’ailleurs, ils ne m’appellent pas le Frenchy mais le Corsy ! »


Et puis, évidemment, il y a la réalité du terrain et les nouvelles responsabilités que lui a confiées son entraîneur, Mark Watson. « À San José, j’ai tendance à avoir un rôle plus offensif que depuis le début de ma carrière. Il faut dire qu’à Ajaccio, j’étais plus défensif car… l’équipe devait défendre, elle était toujours considérée comme une des plus petites de la division dans laquelle elle jouait. Ici, le coach me dit que j’ai des capacités offensives, de donner des passes décisives et même de marquer. Je suis plus libre sur le terrain. »


Le 15 mars dernier, ce fut la plongée dans le grand bain, avec le premier match de San José en championnat cette saison. « Je m’attendais à ce que le niveau soit bon, mais pas à ce que ce soit aussi difficile. Ça joue bien au ballon, il y a beaucoup de rythme, le jeu est direct : on préfère l’attaque / défense alors qu’en France, on prend plus le temps de faire tourner le ballon. Des gens critiquent la MLS mais ils ne se rendent pas compte que, si elle n’atteint pas le niveau des meilleures, elle vaut beaucoup d’équipes de Ligue 1. »


En quelques semaines, Pierazzi a multiplié les découvertes puisqu’il a aussi effectué ses premiers pas en Ligue des champions, avec un quart de finale perdu aux tirs au but face aux Mexicains de Toluca. « Pouvoir jouer en Ligue des champions, ça a aussi contribué à me faire venir. J’avais peu de chances que ça m’arrive en Europe. La différence entre les deux ? C’est un autre continent… Et c’est vrai que ça n’a pas la même saveur qu’en Europe où jouent de tellement grands clubs. N’empêche, ce qui nous est arrivé est dommage, nous avons été malchanceux lors des deux matchs même si tout le monde s’est bien battu. Mais l’équipe a fait preuve d’une super mentalité en ne lâchant rien ! »


Ah, cette fameuse mentalité de San José. Qui vaut à l’équipe le surnom de Goonies et, parfois, une image de sales gamins coutumiers de mauvais coups. Est-ce justifié ? « Cette réputation est fausse. Ce qui est vrai, par contre, c’est qu’ici les joueurs se battent jusqu’à la dernière seconde. Nos buts en fin de match en sont la preuve. Nos adversaires n’aiment pas jouer ici, car nous sommes des battants hargneux. Ça correspond bien à la mentalité des joueurs corses, alors mon adaptation est d’autant plus facile. »


Titulaire lors des deux premières rencontres de championnat cette saison, le Corsy sait ce dont il a besoin pour considérer sa première année en MLS comme réussie. « Mon objectif est de me donner à fond mais surtout de jouer les play-offs avec San José. » Et si le rêve se poursuit, envisage-t-il de s’installer aux États-Unis au terme de sa carrière ? « Je ne sais pas, ce sera à méditer. Il y a beaucoup de choses à prendre en compte. La Corse, c’est chez moi, mais si une occasion se présente aux États-Unis, pourquoi pas ? »