L’avantage du terrain est-il suffisant ?

Seattle Sounders - Tyrone Mears - Celebrates with sad FC Dallas players around

Les jours raccourcissent, l’intensité des éliminatoires de la Coupe du monde 2018 monte d’un cran et la MLS a pris une pause entre les demi-finales et les finales de conférence. De quoi revenir sur un débat enflammé depuis le début de la phase finale : y donne-t-on un avantage suffisant aux équipes qui ont été meilleures lors de la saison régulière ?


Cette année est particulièrement frappante : des quatre premières têtes de série, seul Colorado est encore en course pour la Coupe MLS. Lors des demi-finales de conférence, les quatre équipes les moins bien classées à l’issue de la saison régulière ont toutes gagné à domicile, obligeant leur adversaire à une course-poursuite qui ne fut fructueuse que dans un seul cas.


Y a-t-il une tendance généralisée ou 2016 constitue-t-il une exception ? Peut-on réellement parler d’avantage du terrain ? Est-ce suffisant ? Comment avoir le plus de chances de couronner la meilleure équipe et non celle la plus en forme à la fin de l’automne ? Pourrait-on trouver le moyen que les deux meilleurs s’affrontent en finale, même s’ils sont voisins ? Y a-t-il une formule idéale pour la phase finale, sans qu’elle ne dure trop longtemps (la période sans soccer est déjà assez longue comme ça pour les équipes éliminées et leurs supporters) ? Voilà quelques chiffres et quelques réflexions.


LE BILAN CHIFFRÉ

Il fallait choisir une date, j’ai décidé de commencer en 2011, année depuis laquelle la finale ne se joue plus sur terrain neutre et année d’introduction du premier tour. Depuis lors, 32 confrontations ont eu lieu en matchs aller-retour : à 16 reprises, l’équipe la moins bien classée à l’issue de la saison régulière s’est qualifiée.


31 de ces 32 duels ont commencé sur le terrain de l’équipe la moins bien classée à l’issue de la saison régulière (il y eut une inversion pour cause de météo lors d’un New York - DC United). 17 fois sur 31, l’équipe locale a gagné le match aller. Ce qui veut dire que l’équipe favorite sur le papier commençait son match à domicile en courant derrière le score. On insiste souvent sur l’avantage du terrain, moins sur l’importance d’être en avance, aussi souvent cruciale en MLS. 12 de ces 17 vainqueurs ont pu conserver leur avance au match retour pour passer au tour suivant.


Et quand ça se joue sur un seul match ? C’est arrivé à 23 reprises : premier tour, finales, mais aussi finales de conférence en 2011. Et là, après 90 minutes ou plus, l’équipe locale a pu célébrer son succès à 18 reprises, contre 5 aux visiteurs (3 en début de décennie ; et plus récemment, Portland à Columbus lors de la dernière finale et Montréal à DC United lors du premier tour cette saison).


NE RIEN CHANGER

Les 50% de qualification de l’équipe la moins bien classée à l’issue de la saison régulière lors de duels aller-retour sont on ne peut plus clairs : en phase finale, on repart bel et bien à zéro, avec une chance sur deux de se qualifier pour chacun. La forme du moment prend donc le dessus sur le niveau durant toute l’année. Est-ce vraiment cela que l’on veut ?


LAISSER LE CHOIX DU TERRAIN

Au lieu de jouer systématiquement le match retour à domicile, l’équipe la mieux classée pourrait choisir où elle veut commencer. En pratique, elle jouera parfois d’abord chez elle, mais probablement pas souvent. L’avantage du terrain pour une prolongation voire des tirs au but éventuels pèse dans la balance, tout comme l’envie jouer chez soi le dernier match, celui où le verdict tombe. Si on se base sur les résultats de cette année, certaines équipes devraient peut-être davantage prendre conscience de l’importance de marquer à l’extérieur lors du match aller.


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NI PROLONGATION, NI TIRS AU BUT

Lors de la « Liguilla Â», nom donné à la phase finale au Mexique, il n’y a pas de prolongation : en cas d’égalité parfaite à l’issue du temps réglementaire, c’est l’équipe la mieux classée à l’issue de la saison régulière qui passe. Une idée louable si elle peut nous épargner une autre loterie de tirs au but (même si cela marque l’imaginaire). Depuis 2011, cela nous aurait épargné 9 prolongations… dont 8 remportées par la plus haute tête de série, sur son terrain. En pratique, cela ne changerait donc presque rien (et cela confirme l’importance de jouer le match retour chez soi en cas de prolongation). En outre, voir une finale couronner un vainqueur après un match nul serait pour le moins bizarre…


UN SEUL MATCH, ET C’EST TOUT

Finis les duels aller-retour : tout se joue sur le terrain du club le mieux classée à l’issue de la saison régulière. Le bilan de 18/23 en faveur des équipes locales dans ces situations en phase finale plaide en faveur d’un système qui aurait en outre l’avantage de libérer des semaines pour la saison régulière. Sauf que certains clubs seraient condamnés à se déplacer sans jamais jouer chez eux : pas du goût des trésoriers (quoi qu’un système de partage des recettes pourrait les accommoder) ni des supporters.


CHOISIR… SON ADVERSAIRE

Voilà une idée révolutionnaire qui m’a traversé l’esprit, sans garanties tant qu’elle n’a pas été essayée : une fois la saison régulière terminée, tous les qualifiés sont dans le même panier (ce qui permettrait de rendre toutes les finales possibles) et on égraine le classement club par club, de haut en bas ; à tour de rôle, chacun choisit son adversaire. Le premier peut choisir le deuxième s’il le veut ! Ou le dernier qualifié. À charge de trouver celui qui lui convient le mieux. Rien n’assure que cela offrira un réel avantage aux mieux classés au bout du compte, mais cela aura le mérite de faire parler de la MLS et de créer des évènements émotionnels au moment des choix des adversaires… ce qui ne manquera sûrement pas de vexer et de motiver ceux choisis en premier.


LES FORMULES DE GROUPE

Grant Wahl (Sports Illustrated) fut le premier à avancer l’idée à il y a quelques années, avec 8 qualifiés (ce qui était la norme à l’époque) répartis en deux groupes de quatre, mélangeant les équipes des diverses conférences (1er et 4e de l’une ; 2e et 3e de l’autre). Tout le monde affronte tout le monde, une seule fois, sur le terrain de l’équipe la mieux classée à l’issue de la saison régulière. Les vainqueurs de chaque groupe s’affrontent en finale.


Il y a bien entendu moyen de créer divers handicaps avec une telle formule : l’avantage du terrain en est un. On peut aussi établir un classement où tout le monde ne commence pas avec 0 point. Soit en gardant les points de la saison régulière (ou en les divisant par deux, trois ou je ne sais combien) soit en donnant 0 point au dernier, 1 à l’avant-dernier et ainsi de suite.


La formule a deux inconvénients : celui déjà évoqué des équipes ne jouant jamais à domicile, et celui de réduire le nombre de qualifiés à 8, ce qui ne plairait pas à tout le monde (mais en réjouirait certains), surtout lors d’un passage de la MLS à 24 équipes. On peut toutefois facilement remonter à 12, avec des groupes de 6, ce qui donnerait 5 matchs de groupe + la finale, soit un total de 6 journées, comme la phase finale actuellement.


L’autre option à 12 serait d’inclure un tour préliminaire, pour arriver à des groupes de quatre. Cela permettrait à certains mal classés d’avoir quand même une chance de jouer à domicile après la saison régulière, et réduirait la phase finale à cinq journées tout en conservant un total de 17 matchs. En outre, la lutte pour s’assurer une place directe dans la phase de groupes serait très intense. Il y a encore d'autres moyens de moduler la formule pour satisfaire tout le monde. Avec toujours la même apothéose, la finale de la Coupe MLS.