La saison régulière qui s’achève ce week-end aura été pour le moins clémente pour les entraîneurs. En effet, il n’y a eu qu’un seul limogeage en cours d’année, celui de Ryan Nelsen, remplacé par Greg Vanney fin août. L’objectif des Torontois en réalisant cette manœuvre était clair : voir leur équipe donner le coup de rein nécessaire pour une qualification en phase finale. Sans succès.
L’ancien international néo-zélandais était le 19e entraîneur sacrifié en cours d’année depuis 2007 – donc en 8 saisons. Cela confirme la réputation de magnanimité en MLS. Ou alors… le bon sens des clubs ? Car certaines études internationales ont montré que le fameux choc psychologique fonctionnait rarement. J’ai voulu voir de quoi il en retournait sous nos latitudes.
Le tableau ci-dessous regorge de données intéressantes. L’une d’entre elles est le seuil en-dessous duquel un entraîneur est en danger. Il apparaît clairement qu’en-dessous de 40% des points (donc 1,2 point par match), son siège devient instable. Seuls deux entraîneurs ayant un meilleur bilan ont perdu leur place au cours des 8 dernières saisons : Ryan Nelsen cette année, et John Carver, en 2009, à… Toronto.
Onze de leurs dix-neuf successeurs n’ont pas réussi à engranger 40% des points à partir de leur prise de pouvoir. Ce qui peut laisser croire que s’ils avaient commencé la saison… ils ne l’auraient pas forcément terminée. L’objectif d’un changement d’entraîneur est, généralement, d’obtenir de meilleurs résultats dans un premier temps. C’est le cas environ deux fois sur trois, puisque 12 des 19 entraîneurs arrivés en cours d’année ont fait mieux que leur prédécesseur, ce qui n’était parfois pas bien difficile.
Était-ce suffisant ? Parce que faire mieux que ne pas répondre aux attentes, ce n’est pas assez : il faut que la marche de l’équipe accélère suffisamment pour lui permettre de terminer la saison régulière en ayant atteint son objectif qui, en MLS, est souvent une place en phase finale. Pour y arriver, il y a évidemment un retard à rattraper, et donc le rythme de l’équipe doit considérablement accélérer.
Soyons justes : trois entraîneurs ont été limogés en fin de saison alors que leur équipe n’avait plus aucune chance de terminer en ordre utile au classement (Osorio à New York en 2009, Preki à Toronto en 2010 et Warzycha à Columbus il y a un an). Ils étaient donc 16 à pouvoir emmener leur équipe en phase finale : seuls deux d’entre eux y sont parvenus ! Il s’agit d’Osorio à Chicago en 2007 et de Watson à San José l’an dernier. Ce dernier est d’ailleurs, et de très loin, l’entraîneur à présenter le meilleur bilan lors de la saison au cours de laquelle il est arrivé, devant Brian Bliss… la même année. Ils sont les deux seuls à avoir pris au moins 50% des points mis en jeu !
Pour être honnête, ils sont en fait 5 (sur 19) à avoir fait évoluer leur équipe à un rythme qui, appliqué sur une saison complète, leur aurait vraisemblablement permis de finir du bon côté de la ligne rouge. Mais généralement, l’objectif du limogeage était bien d’aller plus vite pour rattraper le retard accumulé…
À court terme, donc, changer d’entraîneur en cours de saison est pour le moins inefficace. Et ça reste une nomination à risques, puisqu’ils n’étaient que 8 sur 18 (Vanney n’entre évidemment pas en compte) à toujours entraîner l’équipe lors de la première journée de la saison suivante. Il convient de relativiser, car certains ont eu le poste par intérim… ce qui ne veut pas forcément dire grand-chose, comme en témoigne la situation de John Hackworth à Philadelphie.
À moyen terme et à long terme, il y a d’autres constatations intéressantes. La première est que seuls 3 des 18 entraîneurs engagés en cours de saison ont mené leur équipe en phase finale l’année suivante : Bruce Arena, Jason Kreis et Frank Klopas (qui était cependant déjà directeur technique de Chicago avant de prendre la fonction d’entraîneur). Pour certains néanmoins, si le succès n’a pas été immédiat, le club ne s’est pas mordu les doigts de sa décision. Le meilleur exemple est Peter Vermes à Kansas City, mais on peut aussi noter les liens de confiance qui se sont renforcés entre Dallas et Schellas Hyndman ainsi qu’entre DC United et Ben Olsen. Il faut évidemment y ajouter les cas d’Arena au LA Galaxy et de Kreis à Salt Lake.
Les supporters de Toronto peuvent donc amèrement regretter le remplacement en cours de saison de Ryan Nelsen par Greg Vanney : les chances de succès étaient très limitées. Par contre, qu’ils se consolent : cela n’exclut pas qu’à l’avenir, Vanney parvienne à mettre l’équipe sur les bons rails pour une longue période. Quant à ceux qui doutent de la pertinence de commencer la saison avec un entraîneur mais préfèrent courir le risque en se disant qu’ils pourra toujours être remplacé en cours d’année, les chiffres présentés ici ont de quoi les refroidir, et ils doivent admettre qu’un mauvais choix mettrait toute la saison en péril.
CHANGEMENTS D’ENTRAÎNEUR EN COURS DE SAISON DEPUIS 2007 | |||||
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Saison | Club | 1er entraîneur | Points | Remplaçant | Points |
2007 | Salt Lake | John Ellinger | 2/12 | Jason Kreis | 25/78 |
2007 | Chicago | Dave Sarachan | 14/36 | Juan Carlos Osorio | 26/54 |
2008 | Dallas | Steve Morrow | 9/24 | Schellas Hyndman | 27/66 |
2008 | LA Galaxy | Ruud Gullit | 22/57 | Bruce Arena | 11/33 |
2008 | Colorado | Fernando Clavijo | 24/60 | Gary Smith | 14/30 |
2009 | Toronto | John Carver | 8/18 | Chris Cummins | 31/72 |
2009 | Kansas City | Curt Onalfo | 21/54 | Peter Vermes | 12/36 |
2009 | New York | Juan Carlos Osorio | 10/66 | Richie Williams | 11/24 |
2010 | DC United | Curt Onalfo | 12/54 | Ben Olsen | 10/36 |
2010 | Toronto | Preki | 28/72 | Nick Dasovic | 7/18 |
2011 | Chicago | Carlos de los Cobos | 9/33 | Frank Klopas | 34/69 |
2011 | Vancouver | Teitur Thordarson | 9/36 | Tom Soehn | 19/66 |
2012 | Toronto | Aron Winter | 3/30 | Paul Mariner | 20/72 |
2012 | Philadelphie | Piotr Nowak | 8/33 | John Hackworth | 28/69 |
2012 | Portland | John Spencer | 19/51 | Gavin Wilkinson | 15/51 |
2013 | Chivas USA | Chelis | 11/36 | José Luis Real | 15/66 |
2013 | San José | Frank Yallop | 14/45 | Mark Watson | 37/57 |
2013 | Columbus | Robert Warzycha | 29/78 | Brian Bliss | 12/24 |
2014 | Toronto | Ryan Nelsen | 33/72 | Greg Vanney | 8/27 |
Inclut l’intérim de Marco Ferruzzi
Gras = équipe en phase finale